Devoirs faits : quid de la vie scolaire ?

Depuis la rentrée de novembre, le ministère encourage la mise en place du dispositif « Devoirs faits » dans tous les collèges.
Ce programme ne repose sur aucun texte officiel et son organisation s’appuie essentiellement sur les recommandations d’un vadémécum destiné aux chefs d’établissement.
Au-delà même des enseignants, la vie scolaire est sollicitée :  les CPE, les AED et les volontaires en service civique sont explicitement cités comme acteurs de l’opération « Devoirs faits ».
Les associations agrées par l’Éducation nationale ont également la possibilité d’y prendre part.
Les AED qui interviendraient en dehors de leur temps de service pourraient, dans certains établissements, bénéficier d’heures supplémentaires, ce qui n’est pas le cas pour les personnels d’éducation.
Ce qui interroge le SE-Unsa sur le dispositif en général
  • Le dispositif s’adresse uniquement aux élèves volontaires selon des modalités très diverses en fonction des établissements. Or, les élèves présents risquent de ne pas être ceux qui en ont le plus besoin.
  • Aider les élèves à faire leurs devoirs est une tâche moins simple qu’il n’y parait. Une étude montre que les personnels qui en ont la charge doivent adhérer au postulat d’éducabilité des élèves et développer des gestes professionnels complexes. Ces pratiques relèvent de savoir-faire ou de compétences pointues reconnues par ailleurs dans le vadémécum.
  • La capacité des chefs d’établissement à recruter des volontaires service civique, voie qui semble très peu attractive pour les jeunes en raison notamment de la faible rémunération envisagée.
 
Ce que le SE-Unsa dénonce pour la vie scolaire
  • Lorsque que nous interrogeons l’institution sur les modes de financement du dispositif, elle répond qu’elle a prévu des moyens, ce qui ne veut pas dire forcément des moyens supplémentaires. Par cette affirmation, elle renvoie la plupart des établissements à leurs dotations existantes. Les chefs d’établissement doivent faire alors avec les moyens du bord, ce qui a conduit un certain nombre d’entre eux à ne pas considérer ce programme comme une priorité absolue.
  • D’après les premiers retours que nous avons, les seuls établissements bénéficiant de moyens supplémentaires sont ceux implantés en éducation prioritaire ou disposant d’un internat, ce qui crée des disparités et une iniquité territoriale dans la mise en œuvre du dispositif.
  • Le dispositif prévoit que les personnels d’éducation interviennent pour « recueillir l’avis des élèves sur leurs besoins et leur perception de l’aide aux devoirs ». Le vadémécum recommande la collaboration du CPE et du référent pour l’harmonisation de Devoirs Faits avec des programmes de soutiens extérieurs au collège. Pour le SE-Unsa, les CPE font partie de l’équipe pédagogique de l’établissement. Nous considérons que celles et ceux qui souhaiteraient prendre en charge un groupe d’élèves devraient avoir accès à cette expérience enrichissante.
  • L’organisation et/ou la participation des CPE à des séances pédagogiques nécessitent l’octroi d’une rémunération adaptée. Or, force est de constater que ce sont les seuls personnels pour lesquels la rétribution n’est pas envisagée, ce qui est inacceptable. Dans l’état actuel des choses, cette condition n’est pas réunie et risque fort de freiner l’envie des collègues de s’y impliquer.
  • Les AED, mentionnés comme étant des « acteurs essentiels » de « Devois Faits ». Or, tous les AED, s’ils ont une mission d’encadrement des élèves, n’ont pas automatiquement la « fibre pédagogique » et n’envisagent pas forcément une carrière d’enseignant à l’issue de leur contrat. De plus, ils ne doivent être utilisés comme des variables d’ajustement : nous contestons les tentatives de modification de leurs emplois du temps, parfois sans concertation avec les CPE, dans des établissements dans lesquels les enseignants ne sont pas ou peu volontaires. Il n’est pas question de ponctionner les moyens de vie scolaire déjà très limités dans beaucoup d’établissements, en particulier en zone rurale.
Ce que le SE-Unsa porte
  • À l’heure actuelle, les CPE n’ont pas accès au paiement d’heures supplémentaires comme c’est le cas pour les enseignants. Depuis notre congrès de Perpignan, nous demandons la création d’une rémunération spécifique aux CPE qui prennent en compte les dépassements de service quotidiens ou l’investissement dans des projets. En attendant l’aboutissement de cette revendication, on ne peut se résoudre à accepter le bénévolat pour les CPE : le versement d’heures péri-éducatives ou d’IMP doit être prévu par l’administration pour les collègues volontaires qui voudraient s’investir plus en avant dans le dispositif.
  • La prise en charge du dispositif, essentiellement avec des enseignants volontaires assistés par des AED volontaires et d’autres personnes choisies pour leurs engagements (service civique, associations compétentes).
  • Une formation ambitieuse des AED et des volontaires services civiques qui ne se limite pas aux fiches du vadémécum, notamment afin de favoriser les travaux de groupes, les échanges entre les élèves et la co-intervention avec un enseignant.
  • Les CPE et les AED pourraient, dans la journée scolaire, construire des plages de séquences « devoirs faits » en matérialisant des espaces libres (s’il y en a) et les proposer aux principaux intervenants (enseignants et associations). Cela présenterait aussi l’avantage d’alléger les permanences « classiques ».
  • Les CPE peuvent aussi s’impliquer en échangeant avec les enseignants sur la pertinence des choix d’élèves à convaincre que ce dispositif est fait pour eux.
  • Une coordination pédagogique du dispositif assurée par un personnel enseignant serait indispensable pour apporter conseils et expertise aux personnels d’éducation, de vie scolaire ainsi qu’aux intervenants associatifs. Le temps de travail de chacun doit être respecté par ce dispositif qui ne peut être chronophage et doit être inclus dans le temps de travail (notamment pour les CPE, non rémunérés).
En conclusion
Une véritable réflexion doit s’engager entre professionnels sur le bien-fondé et la nature des devoirs à la maison (Faut-il en donner ? Quand ? Quels contenus ? Quelle efficacité ? Dans quel but ?) et sur la question du travail personnel qui doit être assuré par des personnels formés aux enjeux pédagogiques. Pour le SE-Unsa, la vraie question est « Devoirs ou pas devoirs ? ». C’est l’objet d’un récent dossier du magazine L’Enseignant.