Groupes de niveaux en collège : des conditions de travail très dégradées pour un gain pédagogique plus qu’incertain!

  Le plan « Choc des savoirs » met en place des groupes de niveaux en mathématiques et en français en 6e et 5e à la rentrée 2024. Celles et ceux, parmi les personnels , qui avaient pu se laisser séduire par les annonces des groupes de niveau risquent de vite déchanter.
Pour le SE-Unsa, cette nouvelle usine à gaz va considérablement dégrader les conditions de travail des collègues de lettres et mathématiques mais aussi de l’ensemble des enseignants de collège.

Des groupes de niveau aux gains pédagogiques contestés

Concernant les élèves, les études scientifiques sont quasi-unanimes pour démontrer que le gain pédagogique des groupes de niveau pour les élèves en difficulté est nul.
Synthèse du Cnesco sur la différenciation pédagogique
** Typologie des groupes de travail
*** La constitution de classes de niveau dans les collèges; les effets pervers d’une pratique à visée égalisatrice, Revue de sociologie française

Le SE-Unsa est opposé aux groupes de niveaux sur le plan pédagogique et privilégie par exemple les groupes de besoin ponctuels (lire notre article).

Pas de moyens pour tous les collèges, un mensonge par omission

Tous les enseignants de collège et tous les parents de collégiens avaient compris que des moyens seraient donnés à tous les collèges pour organiser des groupes de niveaux. Il n’en n’est rien!

Avec les moyens annoncés, seulement 20% des collèges en France ont reçus des dotations supplémentaires pour alléger les groupes de niveaux, 80% des collèges, bien qu’ayant eux aussi des élèves faibles, n’auront donc aucun moyen pour alléger les groupes.

En Alsace, les groupes de niveaux sont financés en grande partie par la suppression ou la réduction des moyens suivants:
– Suppression de la marge allouée en fonction de la typologie de l’établissement, mise en place il y a 2 ans, librement utilisée par l’établissement
– Suppression des quelques heures allouées au soutien à l’inclusion pour les collèges comportant plus d’une UPE2A ou ULIS
– Diminution de l’horaire d’enseignement en DNL des sections bilingues. ( désormais il est obligatoire d’assurer au moins 1.5h de la discipline en français)

Marges asséchées au détriment des autres disciplines et des projets propres à chaque établissement = moins d’autonomie

  • Actuellement, les 3h/classe de marge d’autonomie sont souvent utilisées pour
    -dédoubler des heures de français et de maths,
    – créer des groupes sciences pour pouvoir faire des TP avec des effectifs raisonnables,
    – Créer des groupes supplémenaires en langues vivantes pour pouvoir travailler l’oral
    – Financer les projets pédagogiques spécifiques à l’établissement.
  • A la rentrée prochaine :
    – La suppression de la 26e heure de cours de 6e (actuelle heure supplémentaire de français/maths et ex-heure de technologie) participeau financement de groupes de niveaux mais ne couvre pas l’ensemble des besoins.
    C’est donc sur la marge d’autonomie des établissements qu’il faudra souvent puiser.
    – La suppression de l’accompagnement personnalisé dans tous les collèges semble actée. 
    – Partout où les moyens supplémentaires ne seront pas donnés (ou de manière incomplète), ce sont les projets pédagogiques locaux qui disparaîtront.
    -Certaines options, langues vivantes ou régionales, seront sacrifiées. Il y a par exemple un risque réel de disparition de la deuxième langue vivante ou du latin/grec dans certains collèges. 
    Des groupes de bons élèves grossiront jusqu’à 30, là où c’est possible pour fabriquer des groupes réduits sans moyens.

Dès lors que le ministère ne finance pas suffisamment ou pas du tout les groupes de niveaux ou supprime des enveloppes existantes pour le faire, les groupes se mettent en place au détriment des autres disciplines, celles qui sont considérées en creux par le ministère comme non essentielles.

Une usine à gaz avec de lourdes conséquences pour les enseignants

  • La réduction de la marge d’autonomie des collèges obligeant à des choix et des suppressions de dispositifs financés par cette marge, de nombreux collègues vont se retrouver en complément de service ou pire en mesure de carte scolaire.
  • Organiser les groupes de niveaux va nécessiter de faire des alignements dans les emplois du temps sur l’ensemble des heures de français et de maths soit un tiers de l’emploi du temps d’une classe.
    Cela provoquera obligatoirement des des voeux moins bien pris en compte, des amplitudes horaires plus grandes et des emplois du temps à trou.
  • Aligner les cours pour faire plus de groupes que de classes, nécessitera de souvent de mobiliser tous les enseignants de la discipline sur le même niveau. À terme, avec l’extension du dispositif au 4e/3e à la rentrée 2025, il est fort probable que les professeurs de maths et de français soient contraints d’avoir les 4 niveaux.
  • Dans certains petits collèges avec 2 ou 3 enseignants dans une discipline, il sera même impossible de faire 3 ou 4 groupes de niveaux, faute de professeurs disponibles.

Prof principal or not prof principal ?

Être professeur principal suppose, pour assurer sa mission correctement, de connaitre et de suivre ses élèves. Comment vont donc faire les professeurs de maths et de français qui n’auront en cours que des regroupements d’élèves venus de différentes classes pour être professeurs principaux ?
Réglementairement rien ne les en empêchera, cependant, être professeur principal d’une classe dont ils ne connaitront qu’une partie des élèves risque d’être bien difficile.

Une dégradation des relations humaines

Toutes les conséquences décrites précédemment créeront de fait des tensions.
Et d’abord entre enseignants pour déterminer qui enseignera aux groupes d’élèves les plus faibles, plus difficiles à gérer, comme le savent tous ceux qui l’ont déjà expérimenté. Regrouper des élèves en difficulté, souvent démotivés et parfois avec des difficultés d’apprentissage lourds, rend la tâche très ardue.
Les décisions d’assignation d’un élève dans un groupe de niveau bas pourront être source de conflits avec certaines familles.

L’avis du SE-Unsa

Au-delà du questionnement sur le bien-fondé ( contesté et contestable) des groupes de niveaux qui encore une fois remettent en question la mixité scolaire, la dégradation des conditions de travail des personnels ne sera pas une fiction mais la réalité. Seuls les concepteurs et les commentateurs qui n’exercent pas dans un collège refusent de l’admettre par manque d’expertise.

Le SE-Unsa revendique donc l’abandon immédiat des groupes de niveaux pour ne pas dégrader davantage encore les conditions de travail des enseignants de collège et les conditions d’apprentissage des élèves.

>> Lire aussi les articles de l’Unsa Éducation sur les groupes de niveau :