Le rapport “Voie professionnelle scolaire” rédigé par Céline Calvez et Régis Marcon propose de créer les conditions d’une mise en relation du monde éducatif et économique en permettant une immersion dans l’environnement de travail de chacun et de repenser intégralement les dispositifs de formations initiale et continue.
Ce rapport a suscité de nombreuses inquiétudes et remarques du SE-Unsa. Il nous semblait opportun d’analyser ces propositions à l’aune de la dimension « vie scolaire » des établissements. Le lycée professionnel n’est pas un lieu d’exercice comme les autres. Ces propositions auraient inévitablement des répercussions sur les conditions d’exercice des CPE. Ces derniers, une fois de plus, sont les grands oubliés des réflexions pédagogiques et éducatives des deux rapporteurs.
Citoyenneté et mixité des publics
Le SE-Unsa, sans être opposé à l’apprentissage, rappelle son attachement au socle commun de compétences, de connaissances et de culture et à la formation professionnelle sous statut scolaire. C’est cette dernière qui préserve l’équité d’accès pour tous les jeunes – quels que soient leurs origines sociales, leurs parcours et leurs difficultés scolaires – à des formations IV et V.
Un des enjeux majeurs de la scolarité obligatoire est l’apprentissage de l’autonomie. Les CPE y contribuent fortement par leur action éducative et par l’apprentissage de la citoyenneté participative. Ces actions nécessitent du temps, de la régularité et de la continuité. La mixité des publics et des parcours ne peut que complexifier leur mise en œuvre, voire reléguer la dimension citoyenne au dernier plan.
Des compétences transversales
Les auteurs du rapport affirment l’importance de construire une culture commune, et de lier insertion dans la République et accès au monde du travail. Ils soulignent l’importance des compétences transversales (disposer d’autonomie, concrétiser et valoriser un projet, avoir l’esprit d’initiative et savoir travailler en collectif…). Autant de compétences transversales qui font sens dans le métier de CPE. Le SE-Unsa revendique des moyens dédiés pour mettre en place des groupes à effectif réduit ou des co-interventions.
L’heure de vie de classe, qui ne figure pas dans les grilles horaires de la voie professionnelle, doit aussi être un temps reconnu, institutionnalisé et utilisé dans les lycées professionnels. C’est un des temps et des dispositifs qui contribuent à la socialisation et à la citoyenneté, à la maîtrise des valeurs et des codes culturels et sociaux, à l’exercice du droit d’expression et au développement d’un jugement critique. Pour la rendre effective dans des conditions acceptables, il faut que l’institution la valorise par une indemnité adaptée ou par un temps spécifique reconnu et intégré dans les 35 heures hebdomadaires.
Quelle qualité de suivi ?
Le rapport « voie professionnelle scolaire » propose d’organiser le cursus de formation en bac pro de manière plus progressive et personnalisée en jouant sur deux curseurs, celui de la spécialisation et celui de l’alternance. Avec les deux dernières années laissant une forte place à l’apprentissage, aux parcours et aux publics mixtes, c’est le cœur même du métier de CPE qui s’en trouverait impacté, et la vie scolaire et le climat des établissements déstabilisés.
En effet comment assurer un suivi pédagogique et éducatif individuel et collectif de qualité pour un public sous contrat de travail et un public en formation initiale qui ont des rythmes scolaires différents ? Plusieurs collègues de LP redoutent que ces rythmes scolaires différents entraînent une flexibilité démesurée dans l’emploi du temps. Enfin, dans la mesure où les formations sont validées en CCF, comment cela fonctionnera pour les élèves qui ont des rythmes différents ?
Deux poids, deux mesures ?
Dans les lycées professionnels où cette mixité existe déjà, c’est un vrai casse tête, parfois une source de conflits entre apprentis et élèves, chacun trouvant l’autre plus privilégié au regard du règlement intérieur. La cohabitation des 2 publics n’est pas toujours facile à gérer, notamment vis-à-vis d’élèves inscrits en formation GRETA qui n’acceptent pas toujours les règles de vie en collectivité et les rappels à la loi des personnels de vie scolaire.
En ce sens, des interrogations se font légitiment jour sur la relation d’autorité envers les apprentis en comparaison avec celle de leur employeur. Comment donner du sens à cette double « tutelle ?
Il faudra inévitablement avoir une réflexion collective sur les droits et des devoirs individuels et collectifs. Les questions du suivi de la fréquentation scolaire, de l’assiduité dans et hors l’établissement seront des questions cruciales qui se poseront aux CPE. Comment, par exemple, gérer la situation des apprentis qui seront sollicités par leur employeur pour effectuer des extras en période de cours ?
Enfin, d’un point de vue organisationnel, la question de l’accueil à l’internat se pose aussi car les capacités d’accueil sont parfois totalement occupées par la formation initiale.
Et la formation des CPE ?
Le rapport préconise, pour la formation initiale des enseignants, de créer des modules de formation interdisciplinaires centrés sur la connaissance de l’entreprise et de mettre en place un stage d’une semaine en entreprise pour tous les enseignants.
Une fois de plus, les Conseillers principaux d’éducation ne sont pas nommés dans les dispositifs de formation interdisciplinaire. Comment parler de culture commune aux professeurs, professeurs documentalistes et conseillers principaux d’éducation et ne pas impliquer les CPE dans l’accompagnement interdisciplinaire des élèves dans leur parcours de formation ? Le référentiel des compétences spécifiques des CPE rappelle clairement que ces derniers « participent à la construction du parcours des élèves ».
Le rapport « voie professionnelle scolaire » préconise la mise en œuvre de modules interdisciplinaires : il nous semblerait intéressant qu’une partie de ces modules puissent intégrer les Conseillers principaux d’éducation.
Si un des enjeux des Espé est d’adapter la formation aux différents profils des PLP recrutés, l’Espé doit aussi être en capacité de former les CPE aux différents lieux d’exercices : collèges, lycées généraux, lycées professionnels.